A B C D E F
G H I J K L M 

Total read books on site:
more than 20000

You can read its for free!


Text on one page: Few Medium Many
Sabine s'enfuit de la maison paternelle. Paule
abandonne ses cinq enfants et se prive de bains. Des mortifications, des
jeûnes les purifient. Ni froment, ni huile. Germain répand de la cendre
sur ses aliments. Bernard ne distingue plus les mets, ne reconnaît que
le goût de l'eau pure. Agathon garde trois ans une pierre dans sa
bouche. Augustin se désespère d'avoir péché, en prenant de la
distraction à regarder un chien courir. La prospérité, la santé sont en
mépris, la joie commence aux privations qui tuent le corps. Et c'est
ainsi que, triomphants, ils vivent dans des jardins où les fleurs sont
des astres, où les feuilles des arbres chantent. Ils exterminent des
dragons, ils soulèvent des tempêtes et les apaisent, ils sont ravis en
extase à deux coudées du sol. Des dames veuves pourvoient à leurs
besoins pendant leur vie, reçoivent en rêve l'avis d'aller les
ensevelir, quand ils sont morts. Des histoires extraordinaires leur
arrivent, des aventures merveilleuses, aussi belles que des romans. Et,
après des centaines d'années, lorsqu'on ouvre leurs tombeaux, il s'en
échappe des odeurs suaves.

Puis, en face des saints, voici les diables, les diables innombrables.
«Ils volent souvent aux environs de nous comme mouches et remplissent
l'air sans nombre. L'air est aussi plein de diables et de mauvais
esprits: comme les rayons du soleil sont pleins d'atomes, c'est poudre
menue.» Et la bataille s'engage, éternelle. Toujours les saints sont
victorieux, et toujours ils doivent recommencer la victoire. Plus on
chasse de diables, plus il en revient. On en compte six mille six cent
soixante-six dans le corps d'une seule femme, que Fortunat délivre. Ils
s'agitent, ils parlent et crient par la voix des possédés, dont ils
secouent les flancs d'une tempête. Ils entrent en eux par le nez, par
les oreilles, par la bouche, et ils en sortent avec des rugissements,
après des jours d'effroyables luttes. À chaque détour des routes, un
possédé se vautre, un saint qui passe livre bataille.

Basile, pour sauver un jeune homme, se bat corps à corps.

Pendant toute une nuit, Macaire, couché parmi les tombeaux, est assailli
et se défend. Les anges eux-mêmes, au chevet des morts, en sont réduits,
pour avoir les âmes, à rouer les démons de coups. D'autres fois, ce ne
sont que des assauts d'intelligence et d'esprit. On plaisante, on joue
au plus fin, l'apôtre Pierre et Simon le Magicien luttent de miracles.
Satan, qui rôde, revêt toutes les formes, se déguise en femme, va
jusqu'à prendre la ressemblance des saints. Mais, dès qu'il est vaincu,
il apparaît dans sa laideur: «Un chat noir, plus grand qu'un chien, les
yeux gros et flamboyants, la langue longue jusques au nombril large et
sanglante, la queue torse et levée en haut en démontrant son derrière,
duquel il assoit l'horrible punaise.» Il est l'unique préoccupation, la
grande haine. On en a peur et on le raille. On n'est pas même honnête
avec lui. Au fond, malgré l'appareil féroce de ses chaudières, il reste
l'éternelle dupe. Tous les pactes qu'il passe lui sont arrachés par la
violence ou la ruse. Des femmes débiles le terrassent, Marguerite lui
écrase la tête de son pied, Julienne lui crève les flancs à coups de
chaîne. Une sérénité s'en dégage, un dédain du mal puisqu'il est
impuissant, une certitude du bien puisque la vertu est souveraine. Il
suffit de se signer, le diable ne peut rien, hurle et disparaît. Quand
une vierge fait le signe de la croix, tout l'enfer croule. Alors, dans
ce combat des saints et des saintes contre Satan, se déroulent les
effroyables supplices des persécutions.

Les bourreaux exposent aux mouches les martyrs enduits de miel; les font
marcher pieds nus sur du verre cassé et sur des charbons ardents; les
descendent dans des fosses avec des reptiles; les flagellent à coups de
fouets munis de boules de plomb; les clouent vivants dans des cercueils,
qu'ils jettent à la mer; les pendent par les cheveux, puis les allument;
arrosent leurs plaies de chaux vive, de poix bouillante, de plomb
fondues assoient sur des sièges de bronze chauffés à blanc; leur
enfoncent autour du crâne des casques rougis; leur brûlent les flancs
avec des torches, rompent les cuisses sur des enclumes, arrachent les
yeux, coupent la langue, cassent les doigts l'un après l'autre. Et la
souffrance ne compte pas, les saints restent pleins de mépris, ont une
hâte, une allégresse à souffrir davantage. Un continuel miracle
d'ailleurs les protège, ils fatiguent les bourreaux. Jean boit du poison
et n'en est pas incommodé. Sébastien sourit, hérissé de flèches.
D'autres fois, les flèches restent suspendues en l'air, à droite et à
gauche du martyr; ou, lancées par l'archer, elles reviennent sur elles
mêmes et lui crèvent les yeux. Ils boivent le plomb fondu comme de l'eau
glacée. Des lions se prosternent et lèchent leurs mains, ainsi que des
agneaux. Le gril de saint Laurent lui est d'une fraîcheur agréable. Il
crie: «Malheur, tu as pris une partie, retourne l'autre et puis mange,
car elle est assez Rôtie.» Cécile, mise en un bain tout bouillant, «est
toute ainsi comme en un froid lieu et ne sentit qu'un peu de sueur».

Christine déconcerte les supplices: son père la fait battre par douze
hommes qui succombent de fatigue; un autre bourreau lui succède,
l'attache sur une roue, allume du feu dessous, et la flamme s'étend,
dévore quinze cents personnes; il la jette à la mer, une pierre au col,
mais les anges la soutiennent, Jésus vient la baptiser en personne, puis
la confie à saint Michel pour qu'il la ramène à terre; un autre bourreau
enfin l'enferme avec des vipères qui s'enroulent d'une caresse à sa
gorge, la laisse cinq jours dans un four, où elle chante, sans éprouver
aucun mal. Vincent, qui en subit plus encore, ne parvient pas à
souffrir: on lui rompt les membres; on lui déchire les côtes avec des
peignes de fer jusqu'à ce que les entrailles sortent; on le larde
d'aiguilles; on le jette sur un brasier que ses plaies inondent de sang;
on le remet en prison, les pieds cloués contre un poteau; et, dépecé,
rôti, le ventre ouvert, il vit toujours; et ses tortures sont changées
en suavité de fleurs, une grande lumière emplit le cachot; des anges
chantent avec lui, sur une couche de roses. Le doux son du chant et la
suave odeur des fleurs s'entendirent par dehors, et quand les gardes
eurent vus, ils se convertirent à la foi, et quand Dacien entendit cette
chose, il fut tout pris et dis: «Que lui ferons nous plus, nous sommes
vaincus.» Tel est le cri des tourmenteurs, cela ne peut finir que par
leur conversion ou par leur mort. Leurs mains sont frappées de
paralysie. Ils périssent violemment, des arêtes de poisson les
étranglent, des coups de foudre les écrasent, leurs chars se brisent. Et
les cachots des saints resplendissent tous, Marie et les apôtres y
pénètrent à l'aise, au travers des murs.

Des secours continuels, des apparitions descendent du ciel ouvert, où
Dieu se montre, tenant une couronne de pierreries.

Aussi la mort est-elle joyeuse, ils la défient, les parents se
réjouissent, lorsqu'un des leurs succombe. Sur le mont Ararat, dix mille
crucifiés expirent. Près de Cologne, les onze mille vierges se font
massacrer par les Huns. Dans les cirques, les os craquent sous la dent
des bêtes. À trois ans, Quirique, que le Saint-Esprit fait parler comme
un homme, souffre le martyre. Des enfants à la mamelle injurient les
bourreaux. Un dédain, un dégoût de la chair, de la loque humaine,
aiguise la douleur d'une volupté céleste. Qu'on la déchire, qu'on la
broie, qu'on la brûle, cela est bon; encore et encore, jamais elle
n'agonisera assez; et ils appellent tous le fer, l'épée dans la gorge,
qui seule les tue. Eulalie, sur son bûcher, au milieu d'une populace
aveugle qui l'outrage, aspire la flamme pour mourir plus vite. Dieu
l'exauce, une colombe blanche sort de sa bouche et monte au ciel. À ces
lectures, Angélique s'émerveillait. Tant d'abominations et cette joie
triomphale la ravissaient d'aise, au-dessus du réel. Mais d'autres coins
de la Légende, plus doux, l'amusaient aussi, les bêtes par exemple,
toute l'arche qui s'y agite.

Elle s'intéressait aux corbeaux et aux aigles chargés de nourrir les
ermites. Puis, que de belles histoires sur les lions! le lion serviable
qui creuse la fosse de Marie l'Égyptienne; le lion flamboyant qui garde
la porte des vilaines maisons, lorsque les proconsuls y font conduire
les vierges; et encore le lion de Jérôme, à qui l'on a confié un âne,
qui le laisse voler, puis qui le ramène.

Il y avait aussi le loup, frappé de contrition, rapportant un pourceau
dérobé. Bernard excommunie les mouches, lesquelles tombent mortes. Remi
et Blaise nourrissent les oiseaux à leur table, les bénissent et leur
rendent la santé. François, «plein de très grande simplesse columbine»,
les prêche, les exhorte à aimer Dieu. «Un oiseau qui se nomme cigale
était en un figuier, et François tendit sa main et appela à lui
l'oiseau, et tantôt il obéît et vint sur sa main. Et il lui dit: Chante,
ma soeur, et loue notre Seigneur. Et donc chanta incontinent, et ne s'en
alla devant quelle eut congé.» C'était là, pour Angélique, un continuel
sujet de récréation, qui lui donnait l'idée d'appeler les hirondelles,
curieuse de voir si elles viendraient. Ensuite, il y avait des histoires
qu'elle ne pouvait relire sans être malade, tant elle riait. Christophe,
le bon géant, qui porta Jésus, l'égayait aux larmes. Elle étouffait, à
la mésaventure du gouverneur avec les trois chambrières d'Anastasie,
quand il va les trouver dans la cuisine et qu'il baise les poêles et
les chaudrons, en croyant les embrasser. «Il s'assit dehors très noir et
très laid et ses vêtements défaits. Et quant ses serviteurs qui
l'attendaient dehors le virent ainsi tourné, si se pensèrent qu'il était
tourné en diable. Lors le battirent de verges et s'enfuirent et le
laissèrent tout seul.» Mais où le fou rire la prenait, c'était lorsqu'on
tapait sur le diable, Julienne surtout, qui, tentée par lui dans son
cachot, lui administra une si extraordinaire raclée avec sa chaîne.
«Alors commanda le Prévost que Julienne fut amenée, et quand elle
s'assit elle traînait le diable après elle, et il pria disant: Ma dame
Julienne, ne me faites plus de mal.



Pages: | Prev | | 1 | | 2 | | 3 | | 4 | | 5 | | 6 | | 7 | | 8 | | 9 | | 10 | | 11 | | 12 | | 13 | | 14 | | 15 | | 16 | | 17 | | 18 | | 19 | | 20 | | 21 | | 22 | | 23 | | 24 | | 25 | | 26 | | 27 | | 28 | | 29 | | 30 | | 31 | | 32 | | 33 | | 34 | | 35 | | 36 | | 37 | | 38 | | 39 | | 40 | | 41 | | Next |


Keywords: grande, toujours, bourreaux, fleurs, mouches, histoires, flancs, dehors, d'autres, bouche
N O P Q R S T
U V W X Y Z 

Your last read book:

You dont read books at this site.